Altruiste Narcissisme

Ontologiquement seul, comment s’aimer suffisamment afin de survivre, tout en usant d’humilité ? Confiant ou prétentieux ? Egocentrique ou autosuffisant ? Individualiste ou indépendant ? Pour ces adjectifs, les frontières entre leurs différents sens s’avèrent fines et floues. La nuance réside dans le rapport aux autres ou à soi-même. Pourtant, être aimé est couramment signe de valeur, de juste considération, voir même de succès social. L’amour porté par un autre aurait plus de signification que le nôtre. En effet, il est, sous plusieurs formes, le plus puissant carburant de notre cœur. Il apaise la dure réalité de la vie, nous penche vers de doux rêves, vers la promesse d'un autre monde, meilleur. Il semble vital de partir à sa quête, tout comme de lui ouvrir grand les bras. A mesure que nous savourons le plaisir de son effet, la peur de le perdre, de le voir glisser entre nos doigts, monte…Cette hantise génère une souffrance, source d’incessants doutes, d’illusions malsaines, et surtout d’une insistante et oppressante attente vers l’autre. La religion apporte une solution : la charité chrétienne, autrement dit le pur amour désintéressé. Pouvons-nous réellement aimer sans espérer un quelconque retour d’affection ? N’est-ce pas en désaccord avec notre égoïste nature ? Vouloir sans cesse être aimé peut résonner avec le narcissisme, car il appelle au besoin d'adulation. Or, le narcissique est aussi l’admiration et la contemplation de soi. Intimement lié aux mots « amour » et « égoïsme », le narcissisme semble concilier les deux. Sous cet angle, il peut être un remède à l’incessante attente vers l’extérieur : un soupçon de ce péjoratif mot prend étonnamment la forme d’un puissant pouvoir de déculpabilisation envers nos semblables.
Avec parcimonie, n’entachant pas l’ouverture d’esprit, ni la curiosité, le léger narcissisme, appelé Amour de soi par Rousseau, est une vertu : "le bon narcissique est dans une relation apaisée avec lui-même". Il enlève le fardeau affective et sentimental des épaules de nos proches. Loin de l’orgueil et de la vanité, cet amour, lucide de tout notre originel égoïsme, manifeste le courage de s’en remettre, sans se comparer, qu’à soi-même. Le manque affective se transfert alors, en toute humilité, vers plus d’amour envers son être. « Nous ne sommes jamais mieux servi que par soi-même ».
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