L'Idéal douteux

Propulsé dans un monde chaotique, l’Homme a inventé comme remède l’Idéal, source de sécurité ou de frustration ? Qu’est une belle vie ? Le schéma classique nous impose une grande carrière, une séduisante enveloppe corporelle, un fort intellect, fonder une famille, travailler dur, profiter au maximum de ce que la société nous tend. La force créatrice de nos prédécesseurs nous a-t-elle piégée ? Prenons l’exemple d’un jeune individu qui se lance dans un de ses rêves, cela peut être un amour, un voyage, un métier… Son monde tout entier tourne autour, c’est sa faiblesse. Va-t-il se dire un jour « j’ai raté ma vie en idéalisant tout ça » ? L’Idéal est l’idée suprême où se trouve toute la perfection que l'on peut concevoir ou souhaiter. Nous pensons alors qu’il donnera une parfaite satisfaction de nos aspirations du cœur et de l'esprit. Est-il stimulateur ou frein à notre évolution ? Sa définition est notamment « ce qui est conçu et représenté dans l'esprit, sans être ou pouvoir être perçu par les sens ». Comment croire que nous atteindrons l’imperceptible ? Pourquoi imposer des concepts aux petits pour qu’ils passent leurs vies à les déconstruire, dans le meilleur des cas, ou à y tendre en vain ? L’Idéal est la diffusion de l’illusion, émise par un être éclairé, convaincu d’avoir trouvé un sens. Force créatrice initialement, elle peut se transformer en chaînes, invisibles et lourdes. Une personne pense qu’il nous pousse vers le haut, vers l’extrémité la plus vertueuse de notre marge de manœuvre. Une autre pense qu’il condamne chaque instant de notre vie. Il est meilleur de croire que chaque idées, concepts, initiatives partent d’une bonne intention. Toutefois, le problème demeure dans le fait que l’Idéal est catégoriquement statique, dépourvu d’émotions, de reliefs, de failles…il n’est tout simplement pas humain ! Il incite à nous uniformiser alors que chacun est seulement lui-même. Il entraine notre imagination dans la transcendance alors que notre séjour se déroule sur la Terre, et non dans les inaccessibles cieux. Toutefois, quand il passe sous nos yeux : saluons-le, soulignons son originalité, admirons sa beauté, inspirons-nous de lui, laissons-le nous guider, puis laissons-le s’envoler. L’Idéal est alors créé pour susciter le moyen et non le but. A présent, reprenons notre vie, cultivons notre réalité, elle est moins ennuyeuse et bien plus authentique.
‘’L’idéal’’
sonnet de Charles BAUDELAIRE
dans
‘’Les fleurs du mal’’
(1857)
XVII
Ce ne seront jamais ces beautés de vignettes,
Produits avariés, nés d'un siècle vaurien,
Ces pieds à brodequins, ces doigts à castagnettes,
Qui sauront satisfaire un cœur comme le mien.
Je laisse à Gavarni, poète des chloroses,
Son troupeau gazouillant de beautés d'hôpital,
Car je ne puis trouver parmi ces pâles roses
Une fleur qui ressemble à mon rouge idéal.
Ce qu'il faut à ce cœur profond comme un abîme,
C'est vous, Lady Macbeth, âme puissante au crime,
Rêve d'Eschyle éclos au climat des autans,
Ou bien toi, grande Nuit, fille de Michel-Ange,
Qui tors paisiblement dans une pose étrange
Tes appas façonnés aux bouches des Titans.
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